L’histoire du Cap-Vert : de l’archipel inoccupé à la nation insulaire métissée et indépendante

Situé à environ 600 kilomètres des côtes sénégalo-mauritaniennes, le Cap-Vert est aujourd’hui une république stable et respectée sur la scène internationale, mais son histoire est bien plus complexe que ce que sa sérénité actuelle pourrait laisser croire. Jamais habité avant l’arrivée des Européens, l’archipel a été façonné par la colonisation portugaise, le commerce transatlantique d’esclaves, la créolisation culturelle, puis la lutte pour l’indépendance. Comprendre l’histoire du Cap-Vert, c’est comprendre la genèse d’un pays profondément métissé, à l’identité singulière, née au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et des Amériques.


Des îles vierges au cœur des routes atlantiques

Avant le XVe siècle, aucune trace de peuplement autochtone n’est attestée sur les dix îles volcaniques qui composent l’archipel du Cap-Vert. Ce sont les explorateurs portugais, mandatés par le prince Henri le Navigateur, qui découvrent ces terres entre 1456 et 1460. En 1462, ils fondent la première ville européenne sous les tropiques : Ribeira Grande (aujourd’hui Cidade Velha), sur l’île de Santiago. Rapidement, cette implantation devient un point stratégique pour la couronne portugaise.

Grâce à sa position géographique entre l’Europe, l’Afrique et le Nouveau Monde, le Cap-Vert s’intègre aux réseaux maritimes du commerce atlantique. Il sert de relais pour l’approvisionnement des navires et devient, hélas, un nœud logistique essentiel du trafic d’êtres humains, entre l’Afrique continentale et les colonies américaines.

Le Cap-Vert, territoire clef du commerce esclavagiste

Dès la fin du XVe siècle, les Portugais installent au Cap-Vert des comptoirs destinés à organiser la traite négrière transatlantique. Des milliers d’Africains capturés sur le continent sont embarqués, retenus ou échangés sur ces îles avant d’être déportés vers les colonies du Brésil, des Antilles ou d’Amérique centrale.

Ce rôle dans la traite a laissé des traces indélébiles dans la société cap-verdienne. En parallèle des colons européens, une population d’esclaves africains s’établit durablement sur place, donnant naissance à une société de contact et de métissage, où se mélangent langues, spiritualités, pratiques agricoles et traditions artistiques.

C’est ainsi que naît une culture créole unique, à la croisée des mondes. Des expressions culturelles telles que le batuque, le funaná ou plus tard la morna (popularisée par Cesária Évora) sont nées de cette fusion entre rythmes africains et influences européennes.

Créolisation, marginalisation et résilience

Pendant des siècles, le Cap-Vert reste une colonie de seconde zone pour le Portugal. Le climat semi-aride, les famines récurrentes et le manque de ressources naturelles limitent le développement économique. L’archipel est régulièrement touché par des sécheresses dévastatrices, responsables de vagues de mortalité importantes, notamment au XIXe siècle.

Face à l’indifférence de Lisbonne, les Cap-Verdiens développent un sentiment d’abandon et une conscience politique émergente, nourrie par leur singularité culturelle. Ce contexte favorisera, au XXe siècle, l’apparition des premiers mouvements nationalistes.

Le XXe siècle : de la lutte anticoloniale à l’indépendance

À partir des années 1950, le vent de la décolonisation souffle sur l’Afrique. C’est dans ce contexte qu’émerge Amílcar Cabral, ingénieur agronome et théoricien politique, fondateur du PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert). Il milite pour une double indépendance des deux territoires colonisés par le Portugal, dans une logique d’unité politique.

Assassiné en 1973, Cabral ne verra pas l’aboutissement de son combat. Mais son action pave la voie à une autonomie politique obtenue deux ans plus tard : le 5 juillet 1975, le Cap-Vert proclame son indépendance, dans un contexte de chute du régime salazariste au Portugal.

Aristides Pereira, figure du mouvement indépendantiste, devient le premier président du pays, à la tête d’un régime de parti unique. Celui-ci sera remis en question à la fin des années 1980, avant d’évoluer vers un système multipartite démocratique. En 1991, les premières élections libres marquent un tournant historique dans la gouvernance de l’archipel.

Une mémoire valorisée dans la société cap-verdienne

Le Cap-Vert honore régulièrement les grandes dates de son histoire à travers des commémorations nationales :

  • 13 janvier : Journée de la démocratie, célébrant l’instauration du multipartisme.

  • 20 janvier : Fête des Héros de la Nation, en hommage à Amílcar Cabral.

  • 5 juillet : Fête nationale, marquant l’indépendance.

Ces dates ne sont pas de simples symboles. Elles témoignent d’une volonté forte de préserver une mémoire collective et d’éduquer les jeunes générations à l’histoire du pays.

Le Cap-Vert contemporain : un pays stable, entre héritage et modernité

Aujourd’hui, le Cap-Vert se distingue par sa stabilité politique, sa gouvernance démocratique et sa diaspora très active, installée principalement en Europe et en Amérique du Nord. Ce réseau mondial joue un rôle essentiel dans l’économie nationale, notamment à travers les transferts de fonds.

La culture créole, omniprésente dans la vie quotidienne, constitue un socle identitaire fort. Bien que la langue officielle soit toujours le portugais, c’est le kriolu (créole cap-verdien) qui est parlé par la majorité de la population. On y trouve une grande richesse dialectale selon les îles.

Religieusement, le pays reste majoritairement catholique, mais les églises évangéliques, protestantes et d’autres mouvements spirituels (ainsi que des croyances issues de traditions africaines) coexistent pacifiquement.

Conclusion : un archipel au carrefour de trois continents

L’histoire du Cap-Vert n’est pas celle d’un pays figé, mais celle d’un espace de circulations, de tensions et de résilience. Rare exemple d’un territoire vierge devenu colonie, puis nation indépendante sans guerre civile, le Cap-Vert offre une leçon de métissage et de construction identitaire à partir de fragments d’histoires multiples.

Pour le voyageur curieux, c’est une terre à explorer au-delà des paysages. Chaque ruelle pavée de Cidade Velha, chaque chanson en morna, chaque accent du créole est le reflet d’un passé profond et encore vivant.

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